Mes  deux frères  et moi, nous étions tout  enfants.
Notre  mère disait: jouez,  mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et  qu'on monte aux  échelles.
Abel était l'aîné,  j'étais le plus   petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que  les  femmes  riaient  quand nous passions près d'elles.
Nous montions pour  jouer au  grenier du couvent.
Et là, tout en jouant,  nous regardions  souvent
Sur le haut d'une  armoire un livre inaccessible.
Nous   grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment  nous  fimes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une  Bible.
Ce  vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous  allâmes ravis dans  un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel  bonheur ! quel  délire!
Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos  genoux,
Et  dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant  de jouer, nous  nous mîmes à lire.
Nous lûmes tous les trois  ainsi, tout le  matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et,  toujours plus  charmés, le soir nous le relûmes.
Tels des  enfants, s'ils ont  pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et  s'étonnent, joyeux,
De  sentir dans leur main la douceur de ses  plumes.
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